En 2018–2019, le séminaire «
Racisme et histoire » a accueilli des réflexions philosophiques, historiques et sociologiques sur les applications pratiques des catégories raciales. En cette année 2019–2020, le séminaire « Les stigmatisations raciales et leurs contestations » sera le lieu d’interventions et de discussions centrées, plus spécifiquement, autour de la constitution historique et contemporaine des stigmates raciaux. En d’autres termes, l’accent sera mis sur les genèses, les effets voire les fonctions sociales des signes – visibles ou rendus visibles – de qualités conçues comme corporelles et héréditaires.
Au moins deux niveaux d’analyse des stigmatisations raciales peuvent être esquissés à titre indicatif.
Le premier concerne ce qui était, selon Erving Goffman, le « problème central » des « minorités […] comme les Noirs ou les juifs », à savoir « celui de leur place dans la structure sociale », en lien avec mais aussi au-delà des interactions individuelles (Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, 1963). Dans son sillage, l’économiste Glenn C. Loury (The Anatomy of Racial Inequality, 2003) et la théoricienne sociale Imogen Tyler (Revolting Subjects: Social Abjection and Resistance in Neoliberal Britain, 2013) ont ré-élaboré le concept de stigmate dans leurs analyses critiques respectives des formations sociales états-uniennes et britanniques. Suivant les contextes considérés, quelles sont aujourd’hui les causes, les modalités et les mutations de la stigmatisation raciale ? Quelles ressources philosophiques, théoriques et empiriques peuvent être mobilisées pour rendre compte de ces processus ? Dans quel(s) espace(s) et quelle(s) chronologie(s) leur examen doit-il se placer ?
Un deuxième niveau d’analyse a trait aux interactions qui font que telle ou telle qualité est tenue pour coextensive à certains segments sociaux, et à la manière dont ces interactions font l’objet de luttes à l’initiative des populations ainsi mises à part. En France, la peau noire et le voile, par exemple, font partie de ces signes dont la représentation et la signification sont en permanence contestées. Ils le sont tant du point de vue symbolique – de quoi sont ils l’évocation, et pour qui ? – que de celui, pratique, de leurs usages à des fins d’identification voire de ciblage de populations marquées et traitées comme étrangères à une certaine communauté politique. Sous des conditions ou le racisme est en principe largement moralement réprouvé, une politique du stigmate racial se dessinerait-elle dans les mesures de contrôle ou de discipline orientées vers des populations déterminées ? D’un autre côté, comment les formes de résistance aux stigmates raciaux évoluent-elles, et quelle est la place des expériences et des retournements de ces stigmates dans leur contestation ?
Avec un·e invité·e par séance, le séminaire visera à contribuer à une discussion transdisciplinaire autour de ces questions. En outre, une journée d’étude intitulée « La stigmatisation raciale au prisme de l’espace urbain », dont le programme est en cours de finalisation, aura lieu le 16 janvier 2020 de 14h à 19h.
Programme
14 novembre 2019, 18h–19h45. Salle séminaire 2Jean-Frédéric Schaub, EHESS / CRBC / Mondes Américains
« Aborder la race en historien, c'est poser la question de la chronologie »
12 décembre 2019, 17h–19h. Salle séminaire 2Ary Gordien, CNRS (LARCA UMR 8225)
« La ‘‘stigmatisation’’ des Blancs créoles de Guadeloupe et leurs protestations »
16 janvier 2020, 14h–19h. Salle séminaire 1Journée d’étude : « La stigmatisation raciale au prisme de l’espace urbain ».
Journée annulée13 février 2020, 17h–19h. Salle séminaire 2Claude-Olivier Doron, Univ. Denis Diderot / REHSEIS / Centre Georges Canguilhem
« Diviser la whiteness, refonder les races : le contre-savoir de l'alt-right sur les ascendances génétiques sur internet »
Séance reportée26 mars 2020, 17h–19h. Salle séminaire 1Hourya Bentouhami, Univ. Toulouse - Jean-Jaurès / ERRAPHIS
Séance reportée14 mai 2020, 17h–19h. Salle séminaire 2Audrey Célestine, Univ. de Lille / CERAPS
« Retours sur deux stratégies de réponses aux stigmatisations raciales : les Antillais en France et les Portoricains aux Etats-Unis »